Les humanités à l’épreuve de la précarité et des crises migratoires

Les situations d’exclusion, dans lesquelles certaines personnes sont coupées des circuits habituels d’échange qui constituent le tissu social, sont de plus en plus fréquentes et constituent un problème contemporain majeur, tant d’un point de vue individuel que collectif. Conséquence de transformations économiques, de crises politiques, de catastrophes naturelles, de changements sociaux ou de ruptures individuelles, cette évolution est souvent associée à des mouvements migratoires qui accentuent le sentiment d’altérité qui caractérise l’exclusion.

L’idée même d’exclusion interroge les limites de l’humain. Les humains sont des êtres sociaux qui développent des stratégies collectives. L’humanité, l’ensemble des individus qui partagent les comportements dits “humains”, par opposition aux “inhumains”, développe un ensemble de représentations culturelles qui organisent la vie sociale. Comment comprendre alors le processus par lequel certains individus ne sont plus reconnus comme humains ? Quel processus collectif les rend invisibles dans l’espace public ? Pourquoi, au contraire, l’intimité exposée dans l’espace public est-elle ressentie comme une manifestation insupportable du déshumain ? S’agit-il d’un processus individuel aux effets collectifs, ou d’un processus collectif qui détermine certains comportements individuels ? Et quels seraient les effets subjectifs et collectifs de l’exclusion ?

Les manifestations de l’exclusion affectent à la fois le fonctionnement social et les processus psychologiques individuels qui déterminent les relations à la base même de ce que l’on peut appeler l’humain, et leur compréhension doit prendre en compte les aspects anthropologiques, sociologiques, économiques, esthétiques, politiques, historiques, juridiques, psychologiques et philosophiques. Les sciences humaines et sociales, les “humanités”, sont invitées à intervenir dans ce domaine. La tendance spontanée de chaque discipline conduirait à la construction d’une théorisation et d’une stratégie d’intervention basée sur ses propres paradigmes autour, par exemple, de la précarité, de la migration, de la reconnaissance sociale, de l’errance ou de la pauvreté. Or ce type de situation, qui interroge les sciences humaines dans leur ensemble, nous rappelle à quel point la force de ces dernières réside dans leur capacité à construire des stratégies transversales qui prennent en compte la complexité qui caractérise les processus humains. De ce point de vue, même si la notion d’exclusion peut sembler problématique, elle est proposée comme point de départ d’un travail visant à dépasser chaque champ disciplinaire spécifique dans l’élaboration d’un vocabulaire commun.

À travers ce colloque de trois jours, nous proposons d’ouvrir la problématique de l’exclusion en partant des questions théoriques que se posent des jeunes chercheurs en sciences humaines et sociales, ainsi que des pratiques actuellement développées, souvent dans les marges des institutions, par certains collectifs de praticien.ne.s travaillant avec des mineurs isolés, des migrants, des personnes vivant dans la grande précarité dans les rues des grandes villes, parfois associées à des addictions ou à d’autres formes de souffrances psychiques. Nous espérons que ce travail de défrichage de nos pratiques communes nous permettra d’établir un terrain sur lequel construire une stratégie à long terme pour comprendre, analyser, intervenir et évaluer ces problèmes.

PROGRAMME

Jeudi 23 novembre | Soirée doctorale
MSH Paris Nord, auditorium

HUMAIN/DESHUMAIN : LES SCIENCES HUMAINES FACE À L’EXCLUSION

Les situations d’exclusion, dont les causes sont diverses, font appel à plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales, pas toujours sur les mêmes aspects ou dans la même perspective. Or, la complexité des processus humains nécessite une approche transversale, et contrairement à la spécialisation voulue par ces sciences, la recherche en sciences humaines se ressource dans la confrontation des différents regards portés sur un problème. Cette rencontre entre chercheur·es qui s’intéressent à la problématique de l’exclusion liée à la précarité, aux migrations, aux ruptures sociales et identitaires, à l’évolution des politiques économiques, sociales et territoriales, à la mélancolisation du lien social, vise à mettre en pratique, par la confrontation d’hypothèses et de méthodologies différentes, la transversalité à laquelle sont formés les jeunes chercheurs en sciences humaines.

Celles et ceux qui commencent leur travail de doctorat et celles et ceux qui ont récemment soutenu une thèse sur la problématique de l’exclusion et de la réinsertion ou sur les modalités possibles d’intervention dans ce domaine sont invité.e.s à communiquer lors de cette journée. Les propositions de communication, rédigées en format WORDS, d’un maximum de 2000 signes (espaces compris) doivent être envoyées au plus tard le 25 septembre à l’adresse appelhumaindeshumain@gmail.com

Vendredi 24 novembre | Journée de rencontre entre praticien·nes
MSH Paris Nord, auditorium

HUMAINE, LA RUE ? DANS LES MARGES, SE BATTRE CONTRE L’INVISIBILITÉ

Travailler dans le domaine de l’exclusion nécessite de développer une forme de présence qui accueille et respecte la singularité de chaque personne. Il s’agit de reconnaître non seulement les souffrances liées à ce qui est à l’origine de l’exclusion (guerres, catastrophes naturelles, crises économiques et politiques) mais aussi les nouvelles formes de groupalité que ces phénomènes produisent. Ceux qui s’y aventurent font preuve d’inventivité clinique pour permettre le développement de formes de subjectivité dans des conditions extrêmes. Une inventivité qui naît souvent dans un contexte de solitude et de précarité institutionnelle.
La psychanalyse, entendue davantage comme un appareil de pensée que comme un dispositif thérapeutique, est le principal point d’appui sur lequel s’organise l’inventivité de ceux qui développent ce travail. Permettant une certaine spontanéité dans la création de mouvements qui répondent à la contingence d’un moment, cette référence à la psychanalyse nécessite l’élaboration de l’événement dans un temps différé, un a posteriori, qui n’est possible qu’au moment de relater une rencontre à des pairs, ceux qui connaissent le même type de difficultés. C’est dans ce contexte qu’un petit collectif de praticiens a commencé à se réunir pour partager ses expériences avec d’autres depuis trois ans, et que nous espérons étendre avec ce colloque à d’autres qui sont confrontés quotidiennement à ces mêmes difficultés, à ce même besoin d’inventer, qui cherche un appui dans l’inconscient, la pulsion et le transfert.

Samedi 25 novembre | Symposium
Campus Grands Moulins, amphithéâtre Buffon

L’EXCLUSION, AUX FRONTIÈRES DE L’HUMAIN ?

Présidente de séance de la matinée : Monique David-Ménard
Dominique Versini, Guillaume Le Blanc
François Pommier, Patrick Cingolani
Président de séance de l’après-midi : Pascale Molinier
Astrid Deuber-Mankowsky, Catherine Perret
Olivier Douville, Claudia Girola

INFORMATIONS PRATIQUES

• jeudi 23 novembre 2023,
  Auditorium de la MSH Paris Nord à St-Denis 93210
  métro Front populaire, ligne 12
• vendredi 24 novembre 2023, de 9h à 17h,
  Auditorium de la MSH Paris Nord à St-Denis 93210
  métro Front populaire, ligne 12
• samedi 25 novembre 2023, de 9h30 à 17h30
  Amphithéâtre Buffon, Campus des Grands Moulins 75013
  métro BNF, ligne 14